Le contrat verbal est une réalité du quotidien. Vous prêtez de l’argent à un ami qui vous promet de vous rembourser, vous confiez votre chien au voisin contre quelques billets, vous mettez à disposition votre résidence secondaire à un proche contre un service en retour… Ces accords purement oraux, sans écrit ni signature, sont fréquents. Mais que valent-ils juridiquement ? Peut-on réellement faire valoir un contrat verbal devant la justice ? Quelles preuves apporter en cas de litige ? Et surtout, quels sont les risques à s’en contenter ?
La réponse est loin d’être simple. Le droit français reconnaît la valeur d’un contrat oral, mais l’absence de preuve écrite complique tout. En pratique, l’administration et les tribunaux laissent souvent le particulier seul face à un système rigide, où la parole ne suffit pas toujours. Voici un guide complet pour comprendre la portée réelle d’un contrat verbal, ses limites, les moyens de preuve et les recours possibles.
Qu’est-ce qu’un contrat verbal ?
Un contrat verbal est un accord de volonté conclu entre deux personnes ou plus, sans formalisation écrite. Il peut porter sur une somme d’argent, un service, une mise à disposition de bien ou toute autre prestation.
Concrètement, il suffit que deux personnes se mettent d’accord : l’une promet une prestation, l’autre une contrepartie. La particularité est l’absence d’écrit : tout repose sur la parole donnée.
Quelques exemples typiques :
- Un ami vous prête sa voiture pour déménager et vous promettez de l’inviter au restaurant.
- Vous prêtez de l’argent à un proche qui s’engage à vous rembourser dès que possible.
- Vous confiez votre logement secondaire à votre cousine le temps d’un week-end en échange d’une aide pour entretenir le jardin.
- Vous demandez au fils du voisin de promener votre chien contre une rémunération.
Ces situations, banales dans la vie de tous les jours, sont juridiquement considérées comme de véritables contrats.
Quelle validité juridique pour un contrat verbal ?
Contrairement à une idée reçue, un contrat n’a pas besoin d’être écrit pour être valable. Le Code civil le confirme.
- Article 1101 du Code civil : le contrat est un accord de volontés destiné à créer des obligations.
- Article 1378 du Code civil : un contrat oral a la même valeur qu’un contrat écrit, dès lors que les parties ont exprimé clairement leur consentement.
Autrement dit, le contrat verbal a force obligatoire. Chacun est tenu de respecter son engagement.
Cependant, il existe une limite majeure : la preuve. L’existence d’un contrat oral est difficile à démontrer, surtout lorsqu’un litige survient et que chaque partie donne sa propre version des faits.
Les contrats qui nécessitent obligatoirement un écrit
Le législateur a prévu des cas où un écrit est indispensable. Dans ces situations, un contrat oral est nul et sans valeur.
C’est notamment le cas pour :
- Le contrat de mariage ;
- Le contrat d’hypothèque ;
- La donation ;
- L’achat d’un véhicule d’occasion auprès d’un professionnel ;
- Certains contrats commerciaux ou de bail qui nécessitent un écrit par disposition légale.
Si vous concluez un accord oral dans l’un de ces cas, il sera considéré comme inexistant. Vous n’aurez aucun droit à faire valoir.
Avantages et inconvénients d’un contrat verbal
Le contrat verbal séduit par sa simplicité : pas besoin de formalités, de rédaction ni de signature. Dans un cadre familial ou amical, il paraît naturel de se contenter d’un engagement oral.
Cependant, cette simplicité se retourne souvent contre les particuliers :
- Les termes de l’accord sont flous. Un remboursement « dès que possible » peut durer des mois. Une restitution de véhicule « après réparation » peut s’éterniser.
- Les malentendus sont fréquents. Chacun peut prétendre avoir compris autre chose.
- En cas de litige, il est extrêmement difficile de prouver l’accord.
En pratique, le contrat verbal est utile pour des engagements mineurs, mais devient risqué dès qu’il s’agit d’argent ou de biens de valeur.
Exemples concrets de contrats oraux du quotidien
Pour comprendre la portée du contrat verbal, voici des exemples parlants :
- Le prêt d’argent : vous prêtez 2 000 € à un ami. Il vous promet de rembourser rapidement. Trois mois plus tard, vous n’avez rien reçu. Sans écrit, vous devrez prouver cet accord oral en justice.
- La garde d’animaux : vous confiez votre chien au voisin contre 50 €. Il prétend ensuite que c’était gratuit. Comment prouver le contraire ?
- La mise à disposition d’un logement : vous prêtez votre appartement pour un week-end contre un service. Le proche refuse ensuite de remplir sa part. Difficile de le contraindre sans écrit.
Ces cas illustrent bien le problème : la loi reconnaît le contrat verbal, mais l’absence de preuve limite fortement vos recours.
Comment prouver l’existence d’un contrat verbal ?
La preuve est le point central. Sans élément matériel, votre parole seule ne suffira pas. Voici les principaux moyens de preuve recevables.
Les témoignages
Les témoignages peuvent servir à prouver l’existence d’un accord. Mais l’article 2862 du Code civil pose une limite : les témoignages ne sont pas recevables pour un contrat dont la valeur dépasse 1 500 €, sauf exceptions.
Autrement dit, si vous avez prêté 2 000 €, les déclarations de vos proches ne suffiront pas.
Les commencements de preuve par écrit
Un commencement de preuve par écrit permet d’étayer vos affirmations. Cela peut être :
- Un email dans lequel l’autre partie reconnaît l’accord.
- Un SMS confirmant l’emprunt ou la contrepartie.
- Un relevé bancaire prouvant un virement d’argent.
- Une facture ou un reçu partiel.
À partir de ce support, les témoignages deviennent recevables pour compléter la preuve.
Les enregistrements
Les enregistrements téléphoniques ou vidéos sont des preuves délicates. Un enregistrement obtenu à l’insu de l’autre partie est souvent jugé irrecevable car il viole le droit à la vie privée. En revanche, un enregistrement obtenu avec accord peut être utilisé.
Les indices matériels
Des preuves indirectes peuvent aussi être utiles : un agenda, des notes manuscrites, des échanges de messages. Individuellement, elles sont fragiles, mais cumulées, elles peuvent convaincre un juge.
Que faire en cas de non-respect d’un contrat verbal ?
Lorsqu’une partie ne respecte pas son engagement, plusieurs recours existent.
1. La tentative amiable
Commencez toujours par tenter de régler le litige à l’amiable. Un rappel oral ou écrit peut suffire. Cela évite des tensions inutiles et des frais judiciaires.
2. La mise en demeure
Si le dialogue échoue, envoyez une mise en demeure. Ce courrier officiel exige le respect des engagements sous un délai précis.
Il est fortement conseillé de la faire rédiger par un avocat pour lui donner un poids juridique. Cette mise en demeure pourra ensuite servir de preuve en justice.
3. L’action en justice
Si la partie refuse toujours d’exécuter son engagement, vous pouvez saisir le tribunal.
- Pour un litige inférieur à 10 000 €, la compétence revient au tribunal judiciaire (ancien tribunal d’instance).
- Pour un montant supérieur, l’affaire est jugée devant une chambre civile.
Le problème majeur reste la preuve. Sans écrit, vos chances de succès dépendent de la solidité de vos éléments.
Les coûts et délais d’une procédure judiciaire
Saisir la justice pour un contrat verbal est long et coûteux.
- Frais d’avocat : de 1 000 € à 3 000 € selon la complexité.
- Frais d’huissier : pour signifier une mise en demeure ou une assignation, entre 100 € et 300 €.
- Délais : une procédure civile dure en moyenne 12 à 24 mois, parfois plus en cas d’appel.
Il est donc fréquent que les particuliers renoncent, faute de moyens ou de patience, surtout pour des sommes modestes.
Comment éviter les pièges : conseils pratiques
Pour éviter les litiges interminables :
- Mettez toujours par écrit vos engagements dès qu’il s’agit d’argent ou de biens importants. Même un document manuscrit signé suffit.
- Conservez des preuves : relevés bancaires, échanges d’emails, SMS.
- Précisez les modalités : montant exact, date de restitution, conditions précises.
- Évitez les formulations vagues (« dès que possible », « après réparation »).
Un simple écrit peut vous éviter des années de procédures.
Conclusion : un piège courant pour les particuliers
Le contrat verbal a bien une valeur juridique. La loi le reconnaît comme un véritable engagement. Mais en pratique, il est fragile. Sans preuve écrite, la justice peine à trancher. Le risque est alors de se retrouver démuni face à la mauvaise foi de l’autre partie ou à la rigidité des tribunaux.
Pour les petits services du quotidien, l’oral suffit. Mais dès qu’il s’agit d’argent, de biens ou d’engagements significatifs, ne vous contentez jamais d’une parole. Rédigez au minimum un écrit signé. C’est la seule garantie de faire respecter vos droits sans devoir affronter un parcours judiciaire long, coûteux et incertain.