Depuis l’automne 2023, la loi impose une tentative de règlement amiable avant toute action judiciaire concernant un trouble anormal de voisinage (article 750-1 du code de procédure civile). Cette réforme vise officiellement à désengorger les tribunaux, mais elle a surtout une conséquence directe pour les particuliers : impossible de saisir un juge sans avoir d’abord tenté une solution amiable.
En pratique, cette étape est souvent préférable. Un procès, même gagné, reste long, coûteux et traumatisant, surtout lorsqu’il s’agit de personnes que vous croisez chaque jour sur le palier ou dans le jardin. À l’inverse, une solution négociée peut aboutir en quelques semaines et apaiser durablement les tensions. Trois options sont prévues par la loi : la conciliation, la médiation et la procédure participative.
La conciliation : une démarche gratuite et accessible
La conciliation est la voie la plus simple et la moins coûteuse. Elle est entièrement gratuite, car menée par des conciliateurs de justice bénévoles, neutres et assermentés. Plus de 2 700 conciliateurs assurent des permanences dans environ 4 000 points répartis sur tout le territoire. Il est possible de les localiser via l’outil en ligne de l’Association des conciliateurs de France (conciliateurs.fr).
Le conciliateur convoque les parties et peut, avec leur accord, se déplacer sur place ou entendre des témoins. Les parties peuvent venir seules ou accompagnées d’un avocat. Si un accord est trouvé, même partiel, un constat écrit est établi. Celui-ci peut être déposé au greffe du tribunal judiciaire. Avec l’accord des deux parties, il peut aussi être homologué par un juge pour acquérir force exécutoire.
En cas d’échec (refus de se rendre à la réunion ou absence d’accord), chacun reste libre de saisir le tribunal. À noter : selon les statistiques des conciliateurs de France, moins d’un dossier sur deux aboutit à un accord, ce qui illustre bien la difficulté de certains litiges de voisinage.
La médiation : encadrer le dialogue avec un professionnel
La médiation est une option plus structurée, encadrée par un médiateur professionnel. Celui-ci peut être avocat, notaire ou commissaire de justice, exerçant individuellement ou dans une association. Contrairement à la conciliation, ce service est payant. Les honoraires sont libres et fixés par convention, le plus souvent partagés à parts égales entre les parties. Avant de s’engager, il est donc indispensable de demander un devis ou une convention d’honoraires pour éviter les mauvaises surprises.
Le rôle du médiateur n’est pas de trancher le litige, mais de rétablir la discussion entre voisins afin de trouver un terrain d’entente. L’accord issu d’une médiation peut également être homologué par un juge pour devenir exécutoire. En cas d’échec, rien n’empêche l’une des parties de saisir le tribunal. Tout comme la conciliation, la médiation est confidentielle : rien de ce qui s’y dit ne peut être utilisé en justice.
La procédure participative : une négociation assistée par avocats
La procédure participative s’adresse aux situations plus complexes, notamment lorsqu’une expertise technique est nécessaire (par exemple, pour déterminer si des nuisances sonores proviennent réellement d’un commerce voisin). Dans ce cadre, chaque partie est assistée de son avocat. Ensemble, elles signent une convention dite « procédure participative », parfois complétée d’un acte contresigné par avocats (Apca) désignant un expert.
Cette méthode présente plusieurs avantages. Elle est souvent plus rapide qu’une procédure judiciaire classique et l’expert désigné coûte généralement moins cher que celui mandaté par un juge. En revanche, elle suppose une réelle bonne volonté des deux parties et une maîtrise de cette procédure par leurs avocats, ce qui n’est pas toujours le cas.
Comme pour les autres modes amiables, l’accord trouvé peut être homologué par le juge. Si seules certaines questions sont réglées, la justice peut être saisie pour le reste via une procédure simplifiée. Enfin, si aucun accord n’est trouvé, les parties conservent la possibilité d’aller en justice, mais cette fois sans devoir repasser par une conciliation ou une médiation préalable.
Ce qu’il faut retenir avant de saisir la justice
Les litiges de voisinage ne se règlent plus au tribunal sans une tentative amiable préalable. Cette obligation légale n’est pas une simple formalité administrative : elle représente un passage obligé, avec des conséquences concrètes.
- La conciliation est gratuite, mais son efficacité dépend de la bonne foi des parties.
- La médiation est payante, mais encadrée par un professionnel, avec une confidentialité totale.
- La procédure participative implique avocats et experts, coûte plus cher mais reste plus rapide et moins lourde qu’un procès classique.
En cas d’accord, celui-ci peut toujours être rendu exécutoire par le juge. En cas d’échec, la voie judiciaire reste ouverte. Autrement dit, avant d’envisager des mois de procédure et des frais d’avocats devant le tribunal, il est impératif – et parfois stratégique – d’explorer ces trois solutions.