Prendre toutes les garanties pour s’assurer de la solvabilité de son locataire et éviter les impayés

En matière de bail d’habitation, la sélection du locataire est un enjeu juridique majeur. Le propriétaire doit concilier 2 impératifs : s’assurer de la solvabilité du candidat sans enfreindre le cadre légal strict imposé par la loi du 6 juillet 1989. Les litiges liés aux impayés de loyers demeurent l’un des contentieux les plus fréquents devant les tribunaux, d’où l’importance d’un dossier de location conforme aux textes.

Le cadre légal : un encadrement strict des justificatifs exigibles

Depuis la loi Alur du 24 mars 2014, le législateur a profondément réformé la constitution du dossier locatif. L’article 22-2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, modifié par le décret n° 2015-1437 du 5 novembre 2015, fixe une liste exhaustive de pièces justificatives que le bailleur peut demander à un candidat locataire ou à sa caution. Tout document non expressément prévu par cette liste est interdit.

Cette limitation vise à éviter les intrusions excessives dans la vie privée des candidats et à prévenir toute forme de discrimination à la location. Les pièces autorisées se répartissent en quatre catégories : justificatifs d’identité, de domicile, d’activité professionnelle et de ressources. Le propriétaire ne peut exiger aucune autre pièce, sous peine de sanction administrative.

Les documents déterminants pour apprécier la solvabilité du locataire

Les justificatifs relatifs à la situation professionnelle et aux ressources constituent l’élément essentiel de l’analyse de solvabilité.

Pour un salarié, les trois derniers bulletins de salaire, accompagnés d’une attestation de l’employeur mentionnant la date d’embauche, la nature du contrat et la rémunération mensuelle, permettent de vérifier la stabilité de l’emploi et la régularité du revenu. L’usage veut également que le bailleur demande le bulletin du mois de décembre, qui récapitule l’ensemble des salaires perçus sur l’année.

En pratique, les bailleurs considèrent qu’un revenu net mensuel représentant au moins trois fois le montant du loyer, charges comprises (voire quatre fois en zone tendue), constitue un seuil de solvabilité raisonnable.

Pour les travailleurs indépendants, professions libérales ou dirigeants d’entreprise, la présentation des deux derniers bilans comptables ou d’une attestation de revenus délivrée par un expert-comptable est admise. Ces éléments peuvent être complétés par le dernier avis d’imposition, qui reste le document de référence pour évaluer les ressources globales du foyer.

L’avis d’imposition et les quittances de loyer : des preuves essentielles

Le dernier avis d’imposition permet de vérifier le revenu fiscal de référence du candidat. Ce document est également exigé dans le cadre de certains dispositifs d’investissement locatif à loyers plafonnés (Loc’Avantages, par exemple) ou pour souscrire une assurance loyers impayés.

Le bailleur peut en outre demander la dernière quittance de loyer du précédent logement. Ce document atteste de l’absence d’incident de paiement et confirme que le locataire est à jour de ses obligations. À défaut, une attestation du propriétaire précédent, mentionnant ses coordonnées, peut être fournie. L’objectif est d’obtenir une confirmation directe du bon comportement locatif du candidat.

Les garanties interdites ou non autorisées

La tentation est grande, pour certains bailleurs, d’exiger des documents complémentaires afin d’obtenir davantage d’informations. Cette pratique expose toutefois à des sanctions. Depuis le décret du 5 novembre 2015, le principe est simple : tout ce qui n’est pas explicitement autorisé est interdit.

Ainsi, un bailleur ne peut demander ni extrait de casier judiciaire, ni relevé bancaire, ni attestation de bonne tenue de compte. De même, il ne peut exiger un relevé d’identité bancaire (RIB), une copie de relevé de compte ou une attestation de non-inscription au Fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP), géré par la Banque de France. Ce fichier, accessible uniquement aux établissements de crédit, ne peut être consulté par des tiers.

Le propriétaire ne peut pas davantage imposer une autorisation de prélèvement automatique. Conformément à l’article 4 c) de la loi du 6 juillet 1989, une telle clause dans le bail est réputée non écrite, sauf accord exprès du locataire.

Enfin, les informations relatives à la situation maritale sont également protégées. Il est interdit de demander un contrat de mariage, un certificat de concubinage ou un pacte civil de solidarité (pacs). Le régime matrimonial n’a aucune incidence sur la dette locative, le loyer étant une obligation commune des deux conjoints. Une simple clause de solidarité dans le bail suffit à garantir le paiement par l’un ou l’autre.

La protection de la caution : limites et obligations du bailleur

L’article 22-1 de la loi du 6 juillet 1989 encadre également les conditions applicables à la caution. Le bailleur ne peut refuser une caution au seul motif qu’elle est étrangère ou qu’elle ne réside pas sur le territoire métropolitain. En revanche, cette situation peut compliquer les procédures de recouvrement en cas d’impayés.

Le bailleur ne peut pas non plus imposer qu’un ascendant ou un descendant du locataire soit désigné comme caution. Quant aux pièces exigibles de cette dernière, elles sont identiques à celles prévues pour le locataire par le décret n° 2015-1437 du 5 novembre 2015 (annexe 2).

Les sanctions prévues en cas de manquement

L’article 22-2 de la loi du 6 juillet 1989 prévoit une amende administrative pouvant atteindre 3 000 euros pour une personne physique et 15 000 euros pour une personne morale lorsque le bailleur demande un document non autorisé. Ces sanctions sont prononcées par le représentant de l’État dans le département, après mise en demeure restée sans effet.

La prolifération des faux dossiers de location

La multiplication des fraudes documentaires complique la sélection des candidats. Les fiches de paie falsifiées constituent la principale source de fraude, rendue possible par des logiciels de retouche et, désormais, par l’intelligence artificielle. Or, la présentation d’un faux document est un délit prévu par l’article 441-1 du code pénal, passible de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.

En 2023, le tribunal judiciaire de Vannes a condamné un locataire à de la prison ferme pour usage de fausses fiches de paie. Selon les constats des agences immobilières spécialisées, plus d’un dossier sur cinq présentait des irrégularités à Paris et dans sa proche banlieue, contre un sur huit en province.

Les outils publics de vérification des documents

Plusieurs dispositifs gratuits, mis en place par les pouvoirs publics, permettent aujourd’hui de vérifier l’authenticité des documents transmis par un candidat locataire.

Le code-barres 2D-Doc, présent sur les avis d’imposition et les avis de situation déclarative (Asdir), garantit l’intégrité du document. Son authentification s’effectue grâce à l’application mobile « 2D-DocReader ».

Le service de vérification des avis d’impôt sur le revenu (SVAIR), accessible à l’adresse impots.gouv.fr/verifavis2-api/front, permet de confirmer qu’un avis d’imposition est bien le plus récent émis par l’administration fiscale. Il suffit d’y renseigner le numéro fiscal et la référence d’avis à 13 chiffres.

Enfin, le site dossierfacile.logement.gouv.fr, géré par le ministère du Logement, permet aux locataires de constituer un dossier numérique complet et conforme à la réglementation. Les pièces déposées y sont vérifiées et filigranées, puis accessibles via un lien sécurisé transmis au bailleur.

author avatar
Juridique et Droit
Collectif de retraités et d'étudiants en droit. L'objectif de cet article est de vous aider pour surtout débroussailler les problèmes juridiques, ne pas les voir trop gros et éviter de vous faire avoir par des entités qui promettent tout et n'importe quoi, surtout avec les nouvelles technologies.
A propos de Prendre toutes les garanties pour s’assurer de la solvabilité de son locataire et éviter les impayés

Poster un commentaire ou poser une question

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.

Les cookies permettent de personnaliser contenu et annonces, d'offrir des fonctionnalités relatives aux médias sociaux et d'analyser notre trafic. Plus d’informations

Les paramètres des cookies sur ce site sont définis sur « accepter les cookies » pour vous offrir la meilleure expérience de navigation possible. Si vous continuez à utiliser ce site sans changer vos paramètres de cookies ou si vous cliquez sur "Accepter" ci-dessous, vous consentez à cela.

Fermer