Dans de nombreuses copropriétés, les comptes sont un labyrinthe où même les conseillers syndicaux peinent à se repérer. Pourtant, comprendre la comptabilité du syndicat des copropriétaires est indispensable pour détecter les erreurs, les dérives de gestion, voire les abus. Le code de la copropriété est clair : le conseil syndical a pour mission d’assister et de contrôler le syndic, notamment sur la répartition des charges, les contrats et le budget (article 21 de la loi du 10 juillet 1965 et article 26 du décret du 17 mars 1967).
Et Dieu sait s’il le faut tant beaucoup de syndics manquent de rigueur ou parfois volent carrément dans la caisse, abusant de la crédulité, de la vieillesse des copropriétaires et se comportant comme s ils possédaient les immeubles, aidés par quelques copropriétaires qui en tirent un avantage personnel.
Pourquoi le suivi des comptes est souvent négligé
Dans la majorité des copropriétés, le suivi comptable repose sur une poignée de bénévoles, souvent démunis face à une nomenclature comptable lourde et obscure. Les contrôles sont parfois limités à une fois par an, ce qui suffit pour une petite résidence mais devient insuffisant dès qu’on dépasse une cinquantaine de lots. Pour les grands ensembles, un contrôle semestriel est vivement recommandé. C’est la seule manière de repérer à temps des anomalies, des dépenses mal ventilées ou des fournisseurs trop gourmands.
La réunion préparatoire : un moment clé pour exercer un vrai contrôle
Chaque année, dans les six mois suivant l’arrêté des comptes, le syndic doit convoquer l’assemblée générale pour faire approuver les comptes. Avant cela, il organise une réunion préparatoire avec le conseil syndical. Cette réunion est l’occasion d’examiner la comptabilité, le budget prévisionnel et le contrat du syndic, mais encore faut-il que les conseillers aient eu le temps de consulter les documents avant.
Le conseil syndical a accès à toutes les pièces de gestion : factures, correspondances, contrats, relevés bancaires, grand livre des comptes, etc. Ce dernier est la pierre angulaire : il permet de vérifier les montants facturés, la conformité des prestations, la répartition correcte des dépenses et la cohérence des paiements. En clair, c’est là que se repèrent les erreurs et parfois… les manœuvres douteuses.
Le contrôle des justificatifs de charges
Dans les 21 jours précédant l’assemblée générale, le syndic doit mettre à disposition des copropriétaires l’ensemble des justificatifs de charges : factures, contrats, avenants, notes d’information sur le calcul des charges de chauffage ou d’eau chaude, etc. (article 18-1 de la loi de 1965). Ces documents peuvent être consultés sur rendez-vous, et chaque copropriétaire peut en obtenir copie à ses frais.
L’importance de libellés précis et de comptes individualisés
Le conseil syndical doit refuser les écritures vagues. Un simple libellé « Travaux » ou « Réparations » ne veut rien dire. Il faut exiger des mentions précises comme « Remplacement du double vitrage de la porte d’entrée ».
De même, chaque fournisseur doit avoir son propre sous-compte dans la comptabilité (par exemple : 40101 : Engie, 40102 : Veolia, 40103 : EDF). Cette exigence évite les confusions et permet de vérifier plus facilement les flux financiers. Le même principe s’applique aux comptes de charges (classe 6), notamment pour le poste « Entretien et petites réparations », souvent le plus opaque.
Les 3 comptes à surveiller en priorité dans une copropriété
3 catégories de comptes doivent faire l’objet d’un suivi attentif :
- Les comptes débiteurs et créditeurs divers (461 et 462)
Ils recèlent souvent des anomalies. Il s’agit parfois du syndic lui-même (facturation d’actes privatifs, états datés, relances) ou d’un copropriétaire vendeur. Une dette oubliée ou un crédit non réclamé peut rester des années dans ces comptes. Au bout de cinq ans, la copropriété peut invoquer la prescription pour récupérer les sommes dormantes. - Les comptes d’attente (471 et 472)
Ce sont les fameux « comptes fourre-tout », où l’on retrouve des indemnités d’assurance, des soldes excédentaires ou déficitaires d’exercices antérieurs, bref tout ce que le syndic ne sait pas encore affecter. Ces comptes doivent impérativement être soldés à la fin de chaque exercice, faute de quoi il s’agit d’une anomalie comptable grave. Leur maintien au-delà d’un an est souvent le signe d’une mauvaise tenue des comptes, voire d’un manque de transparence. - Le compte d’entretien et petites réparations (615)
Véritable fourre-tout des dépenses quotidiennes, ce poste mérite une attention particulière. Il faut vérifier que les prestations correspondent bien aux factures et qu’aucun double paiement n’a été effectué.
Quand agir en cas d’impayés ou d’inaction du syndic
Si les impayés dépassent certains seuils, la copropriété est en situation de difficulté financière. Le syndic a alors l’obligation d’en informer le conseil syndical et de saisir le juge pour la désignation d’un mandataire (article 29-1 A de la loi de 1965).
À défaut, le président du conseil syndical, un groupe de copropriétaires représentant au moins 15 % des voix, ou même le maire, le préfet ou le procureur, peuvent saisir le juge. Cette procédure doit être engagée dès que les impayés atteignent 25 % du budget prévisionnel pour les copropriétés de moins de 200 lots (15 % au-delà), ou si les comptes n’ont pas été approuvés depuis plus de deux ans.
Des contrôles plus réguliers pour une gestion plus saine
Un contrôle efficace ne se fait pas à la hâte. L’examen complet du grand livre, des justificatifs et des comptes annexes demande au moins deux mois de travail. Le conseil syndical doit donc imposer un calendrier raisonnable au syndic pour préparer la réunion.
Face à des documents comptables souvent flous ou bâclés, il peut être utile de se faire accompagner par un expert, voire de suivre une formation à la comptabilité de copropriété.
En conclusion : rigueur et transparence avant tout
La comptabilité d’une copropriété n’a rien d’un exercice symbolique : c’est un levier de contrôle du syndic et de protection collective des copropriétaires. En exigeant des écritures claires, des comptes soldés et des contrôles réguliers, le conseil syndical limite les risques de dérive et renforce la transparence. Dans un contexte où les charges explosent et où certains syndics abusent de la complexité des règles, reprendre la main sur les comptes, c’est reprendre la maîtrise de la copropriété.