La réduction générale des cotisations patronales, plus connue sous le nom de réduction Fillon ou « zéro cotisations Urssaf », reste l’un des dispositifs phares pour alléger le coût du travail en France. Elle permet aux entreprises de diminuer leurs charges patronales sur les bas et moyens salaires. Mais derrière cette mesure présentée comme simple se cache un mécanisme d’une complexité typiquement administrative, qui exige précision et rigueur dans son application. En 2025, les règles restent en vigueur, avec une refonte déjà prévue pour 2026. Voici tout ce qu’il faut savoir pour en bénéficier sans erreur.
À qui s’adresse la réduction générale des cotisations patronales
La réduction générale concerne tous les employeurs du secteur privé, quelle que soit la taille de l’entreprise ou son statut juridique. Les structures agricoles, artisanales, commerciales, associatives ou industrielles peuvent en bénéficier. En revanche, les particuliers employeurs en sont exclus, même s’ils emploient des salariés à domicile.
Concrètement, cette mesure s’applique à toutes les entreprises qui versent des salaires soumis aux cotisations d’assurance chômage, c’est-à-dire l’écrasante majorité des contrats de travail en France. Les contrats à durée déterminée, à temps partiel, d’apprentissage, de professionnalisation ou même les contrats saisonniers sont éligibles, dès lors que le salarié relève du régime général.
Quels salaires ouvrent droit à la réduction
Le bénéfice de la réduction dépend du montant du salaire versé. Seuls les salariés dont la rémunération est inférieure à 1,6 fois le Smic brut peuvent ouvrir droit à cet allègement. En 2025, cela correspond à :
- un salaire horaire inférieur à 19,01 € brut ;
 - un salaire mensuel inférieur à 2 882,88 € brut ;
 - un salaire annuel brut inférieur à 34 595 €.
 
Pour les salariés à temps partiel, le plafond est ajusté au prorata du temps de travail. Ainsi, à 80 % d’un temps complet, le salaire ouvrant droit à la réduction ne doit pas dépasser 80 % du plafond mensuel, soit environ 2 306 € brut.
Sur quelles cotisations s’applique la réduction
La réduction Fillon ne concerne pas une seule cotisation, mais une baisse globale du taux patronal sur plusieurs postes de charges sociales. Elle s’impute notamment sur :
- les cotisations de sécurité sociale (maladie, maternité, invalidité, décès, vieillesse) ;
 - la contribution au Fonds national d’aide au logement (Fnal) ;
 - les cotisations d’allocations familiales ;
 - la contribution solidarité autonomie (CSA) ;
 - les cotisations patronales de retraite complémentaire (Agirc-Arrco) ;
 - la contribution patronale d’assurance chômage ;
 - et, de manière limitée, les cotisations « accidents du travail et maladies professionnelles », avec un plafond de 0,55 % de la rémunération.
 
Autrement dit, la réduction Fillon agit comme un taux de dégressivité des cotisations sociales patronales, qui diminue progressivement à mesure que le salaire se rapproche de 1,6 Smic.
Comment se calcule la réduction générale
Le calcul repose sur une formule complexe qui combine la rémunération annuelle brute et un coefficient de réduction. Ce coefficient est directement fourni par l’Urssaf via ses outils et évolue selon la taille de l’entreprise.
Pour les entreprises de moins de 50 salariés, le coefficient est déterminé par la formule :
(0,3193/0,6)×[(1,6×Smicannuel/reˊmuneˊrationannuellebrute)–1](0,3193 / 0,6) × [(1,6 × Smic annuel / rémunération annuelle brute) – 1](0,3193/0,6)×[(1,6×Smicannuel/reˊmuneˊrationannuellebrute)–1]
Pour les entreprises de 50 salariés et plus, la formule devient :
(0,3233/0,6)×[(1,6×Smicannuel/reˊmuneˊrationannuellebrute)–1](0,3233 / 0,6) × [(1,6 × Smic annuel / rémunération annuelle brute) – 1](0,3233/0,6)×[(1,6×Smicannuel/reˊmuneˊrationannuellebrute)–1]
Le Smic annuel de référence est fixé à 21 621,60 € en 2025.
L’administration rappelle que le coefficient ne peut pas dépasser 6,01 % pour la part des cotisations versées aux institutions de retraite complémentaire (IRC).
Le calcul peut être réalisé automatiquement grâce au simulateur officiel Urssaf, disponible sur le portail declaration.urssaf.fr. Toutefois, les dirigeants avisés savent qu’il reste indispensable de vérifier manuellement les résultats, car les erreurs de paramétrage dans la DSN sont fréquentes et peuvent entraîner des redressements.
Quels éléments de rémunération sont pris en compte
L’assiette de calcul inclut toutes les formes de rémunération, qu’elles soient en espèces ou en nature. Cela comprend les salaires, primes (y compris la prime de partage de la valeur), gratifications, heures supplémentaires ou complémentaires, rémunérations issues d’un compte épargne-temps, indemnités compensatrices de congés ou de préavis, et pourboires.
En revanche, les frais professionnels remboursés (déplacements, repas, télétravail, etc.) sont exclus du calcul.
Cumul avec d’autres exonérations : prudence obligatoire
La réduction générale peut se cumuler avec certains allègements, notamment la déduction forfaitaire patronale sur les heures supplémentaires ou les taux réduits de cotisation maladie et allocations familiales.
Elle peut aussi s’ajouter, sous conditions, à l’exonération pour les employés d’aide à domicile intervenant auprès de publics fragiles.
En revanche, elle n’est pas cumulable avec d’autres exonérations totales ou partielles de cotisations patronales sur un même salarié. C’est le cas, par exemple, des taux spécifiques appliqués aux artistes du spectacle. En cas de cumul irrégulier, l’administration requalifie automatiquement les montants, ce qui peut générer un redressement Urssaf sur plusieurs années.
Formalités et obligations déclaratives
Pour bénéficier de la réduction Fillon, aucune demande préalable n’est nécessaire, mais elle doit impérativement être déclarée dans la DSN (Déclaration Sociale Nominative).
Chaque mois, l’employeur indique pour chaque salarié le montant de la rémunération, le coefficient appliqué et le total de la réduction.
L’organisme de recouvrement (Urssaf ou MSA) contrôle ensuite la cohérence du calcul.
En cas d’erreur, l’entreprise peut corriger sa déclaration DSN en ligne via le portail de l’Urssaf, qui publie un guide complet pour rectifier les anomalies les plus courantes.
Lors d’un contrôle Urssaf, le dirigeant doit être en mesure de fournir tous les justificatifs relatifs au calcul des coefficients et aux salaires concernés.
Évolution du dispositif en 2026
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 prévoit une refonte des modalités de calcul à compter du 1er janvier 2026. L’objectif affiché est de simplifier la prise en compte de la suppression des taux réduits sur les cotisations d’assurance maladie et d’allocations familiales.
Dans les faits, les entreprises devront encore une fois adapter leurs paramétrages DSN et recalculer les coefficients, ce qui impliquera de nouvelles vérifications et probablement des ajustements logiciels.
La simplification administrative promise s’annonce donc, comme souvent, illusoire.
Un dispositif utile mais piégeux
Sur le papier, la réduction générale allège le coût du travail et favorise l’emploi. Dans la pratique, son mécanisme reste d’une technicité redoutable, exposant les entreprises à des erreurs coûteuses. Entre les seuils de Smic, les variations de taux et les modifications réglementaires successives, ce dispositif exige un suivi constant.
Les dirigeants de PME ont tout intérêt à fiabiliser leurs déclarations sociales, à recourir au simulateur Urssaf et à vérifier régulièrement les bulletins de paie. Car en cas d’erreur, c’est toujours l’entreprise qui paie — rarement l’administration.
La réduction générale des cotisations patronales demeure un levier majeur de compétitivité pour les entreprises françaises. Bien maîtrisée, elle peut représenter plusieurs milliers d’euros d’économies annuelles par salarié. Mais son calcul doit être exact, ses conditions strictement respectées, et sa déclaration irréprochable.
Face à une réglementation mouvante et un contrôle Urssaf de plus en plus rigoureux, il est recommandé de sécuriser son application avec un conseil paie ou un expert-comptable spécialisé.
En 2026, le dispositif changera encore : mieux vaut donc être prêt avant la prochaine réforme.
