La réforme de la facture électronique en 2026-2027 n’a pas seulement des implications fiscales et techniques. Elle ouvre aussi la voie à de nouveaux contentieux commerciaux et fiscaux. Les tribunaux vont être confrontés à des litiges inédits liés au rejet de factures, aux retards de paiement et à la responsabilité des prestataires. Les dirigeants, leurs experts-comptables et leurs avocats doivent anticiper dès maintenant ces nouveaux risques juridiques.
Les litiges liés aux rejets de factures
Avec l’automatisation des contrôles, une facture mal émise ou non conforme peut être rejetée par la plateforme de dématérialisation. Or, juridiquement, une facture rejetée n’est pas considérée comme transmise. Cela soulève des questions complexes :
- le client est-il en droit de refuser le paiement tant que la facture n’est pas acceptée ?
- le fournisseur peut-il exiger des intérêts de retard si le rejet est dû à un détail technique ?
- l’administration peut-elle sanctionner une entreprise de bonne foi pour une simple erreur de format ?
Ces situations donneront lieu à des arbitrages judiciaires qui fixeront la jurisprudence.
La responsabilité des prestataires de dématérialisation
Les plateformes de dématérialisation partenaires (PDP) et les opérateurs de dématérialisation (OD) seront au cœur des flux. Mais qui sera responsable en cas de rejet ou de perte de données ?
Si le contrat ne prévoit pas clairement la prise en charge des erreurs imputables au prestataire, c’est l’entreprise qui supportera les sanctions (15 € par facture manquante, 250 € par transmission e-reporting erronée). Les juges devront trancher ces litiges de responsabilité, souvent complexes et techniques.
Les retards de paiement amplifiés par la réforme
Les retards de paiement, déjà source de nombreux contentieux commerciaux, risquent d’être accentués par la réforme. Un client pourra invoquer la non-conformité de la facture pour justifier un règlement tardif. Les juges devront alors déterminer si le rejet était fondé, et si le débiteur est ou non en situation de retard.
Cette incertitude juridique impose aux entreprises de sécuriser contractuellement leurs délais de paiement et de prévoir des clauses spécifiques en cas de rejet lié à la facture électronique.
Les enjeux fiscaux devant les tribunaux
Sur le plan fiscal, la facture électronique soulèvera également des litiges. Une erreur de transmission peut entraîner la remise en cause de la déductibilité de la TVA ou un redressement. Les entreprises devront alors démontrer leur bonne foi et la fiabilité de leurs systèmes.
Les juges administratifs seront amenés à apprécier la proportionnalité des sanctions et la responsabilité de l’entreprise face à des obligations techniques parfois hors de son contrôle.
Anticiper les futurs contentieux
Pour limiter le risque judiciaire, les dirigeants doivent dès maintenant :
- négocier des contrats solides avec leurs PDP et OD,
- prévoir des clauses spécifiques dans leurs contrats commerciaux,
- former leurs équipes pour réduire les erreurs de transmission,
- documenter systématiquement leurs procédures pour prouver leur bonne foi en cas de litige.
Les avocats d’affaires auront un rôle central dans cette anticipation. Ils devront adapter les modèles contractuels et conseiller les entreprises sur les stratégies à adopter en cas de contentieux lié à la facture électronique.